Les arbres s’enracinent durablement à Vincennes
03/10/2022

Ils font partie de notre quotidien, et même si leur importance est connue de tous, leur vie, leur stress et leurs besoins sont parfois méconnus. Jeunes sujets ou magnifiques spécimens, les rues et jardins vincennois se doivent de devenir pour nos arbres de véritables cocons protecteurs. Afin que puisse se développer la nature en ville, malgré le défi de sa densité.

31 % du territoire français métropolitain est couvert de forêts. Loin de disparaître, la forêt a gagné 7 millions d’hectares en un siècle ! Et en ville ? L’arbre y est devenu également une pièce maîtresse. L’arbre contribue à la lutte contre le réchauffement climatique en captant le CO2 – mais les études montrent qu’il peine à le faire en ville ; en revanche, il fixe les particules fines, apporte ombre, fraîcheur pour lutter contre les îlots de chaleur, sert de gîte et de garde-manger pour de nombreuses espèces et bien sûr a des qualités esthétiques. C’est pourquoi le Pacte éco-citoyen récemment adopté rappelle et entérine l’importance qui doit être donnée au végétal à Vincennes, tan-dis que le nouveau PLU fixe des règles extrêmement protectrices pour les arbres dans le cadre du développement urbain en plus d’identifier précisément tous les arbres remarquables de la ville, qu’ils soient sur le domaine public ou privé. 

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Un passé tumultueux 

« L'arbre et la ville » pourrait être le titre d’une fable, mais c’est surtout celui d’une longue histoire, où chênes, hêtres et autres tilleuls ont subi les affres de choix utilitaires dont ils portent encore les stigmates. Utilisés comme fortification pour défendre les villes, pour le chauffage ou la cuisson, pour leurs fruits ou comme éléments de délimitation…, les arbres en ville ont été plantés pour mille raisons autres qu’environnementales. Notamment dans les programmes des années 70 qui, comme le rappelle Charlotte Libert-Albanel, « comprenaient de maigres “espaces verts” où les arbres se trouvaient comme pris en otages, traités comme de vulgaires éléments de mobilier urbain. Nous subissons encore les conséquences de cette vision qui n’a pas été adaptée à la longévité des arbres en ville ». Le résultat ? Des arbres en souffrance dans des fosses trop étroites pour leurs racines, trop proches des immeubles d’habitation, des essences non adaptées à l’environnement urbain ou dont les racines mettent en danger les conduites de gaz notamment.

Précieux et fragiles

La physionomie des rues vincennoises porte encore la trace de ces choix peu judicieux. Voilà cinquante ans, il avait semblé esthétique d’attribuer une essence d’arbre à chaque rue. Problème : les variétés proposées alors chez les pépiniéristes n’étaient pas les mêmes qu'aujourd'hui, pas toujours adaptées au gabarit de chaque rue, et ces arbres de haute tige n’ont pas la place suffisante pour s’épanouir… La vie en ville est par ailleurs un défi complexe pour l’arbre, qui subit aussi bien l'urine des chiens que les chocs de voiture à la base des troncs et les tranchées successives de concessionnaires pour réparations ou modifications des réseaux (eau, gaz, électricité…) qui obligent parfois à couper de grosses racines. Tous ces dangers et agressions, sur la longue vie d’un arbre, le fragilisent, ralentissent sa croissance et provoquent des mortalités im-portantes. On estime qu’un arbre a généralement besoin d’autant d’espace sous terre que pour son houppier : un objectif inaccessible en ville, que l'on essaye de compenser avec des fosses continues lorsque c'est possible : mais les arbres sont le plus souvent contraints par la force des choses à croître beaucoup moins et ne vivre que quelques décennies.

Vincennes aux petits soins

Pas question pour autant de ne pas protéger ces spécimens, en leur offrant plus de place, une taille adaptée et tous les soins nécessaires. L'abattage n’intervenant  qu’en extrême recours (voir encadré). Mais surtout, les choix de plantation d’aujourd’hui ne ressemblent plus du tout à ceux d’hier ! « Le principe est de ne pas réitérer les erreurs du passé, mais de choisir des essences d’arbres nobles et durables et surtout adaptées à la ville et au réchauffement climatique », explique le maire de Vincennes. Cela passe par exemple par la création de strates herbacées et arbustives qui favorisent les équilibres spontanés entre pathogènes, parasites naturels et prédateurs. Un véritable plan de renaturation est en marche à Vincennes, déployant ses ramifications dans tous les domaines du végétal avec des actions extrêmement concrètes et pour certaines déjà en route : préemption de terrains pour créer de nouveaux jardins publics, plantation d’arbres, désimperméabilisation de sols, création de rues jardins, réaménagement d’espaces arborés anarchiques ou dangereux, protection des jardins sur rue ou encore obligation d’un taux de pleine terre sur les par-celles. Et si parfois des projets nécessitent un abattage, le nombre d'arbres en compensation est doublé. Et le défi est aujourd'hui de protéger les arbres vincennois mais aussi de travailler tout l’écosystème qui les entoure afin de les préserver en bonne santé le plus longtemps possible. Pour une ville qui respire… et inspire le bien-vivre au quotidien !

Les arbres et nous

Les éclairages de Stéphane Colnot, ingénieur paysagiste, qui accompagne la Ville pour la protection des arbres (Omnium Général d'Ingénierie).

Attention aux blessures

Au quotidien, il est de la responsabilité de chacun de prendre soin de l’arbre en ville. Ne serait-ce qu’en s’abstenant de graver le nom de sa petite amie sur le tronc par exemple. Cela cause une plaie, porte ouverte aux champignons, bactéries… Le développement est long mais un coup de lame dans une écorce, c’est un arbre qui dépérit dix ans après.

Feuilles blanches, pas d’inquiétudes

Si vous voyez des feuilles avec des taches blanches, sachez qu’il s’agit de l’oïdium, dû à un champignon. Du fait de la sécheresse, les arbres sont fragiles et avec le retour de l'humidité, cette maladie se développe. Pas de risque vital pour l’arbre et aucun pour l’homme.

L’automne en avance ?

Les arbres qui souffrent de sécheresse et de la canicule perdent leurs feuilles. Ce n’est pas un signe de dépérissement : ils se mettent simplement en dormance plus tôt dans la saison pour conserver leur énergie. Bien sûr, si ce type d’été se répète, l’arbre peut finalement dépérir et au final mourir.

les arbres et nous

Portrait-robot : qui s’occupe des arbres à Vincennes ?  

La ville ne compte pas moins de 3 750 arbres. Selon que la voie appartient à la commune ou au département, les arbres sont communaux (3 260) et donc entretenus et gérés par les services de la Ville, ou départementaux (490), gérés par les services départementaux. Côté Vincennes, ce sont quelque 24 agents qui ont en charge le patrimoine végétal, et l’une de leurs missions consiste à surveiller et soigner au quotidien les sujets qui ornent les rues. Ne s’improvise pas spécialiste des espaces verts qui veut : tous se forment très régulièrement aux nouvelles techniques et connaissances dans leur domaine. Leur action ? La taille bien sûr, mais aussi un état des lieux phytosanitaire régulier des végétaux afin de détecter, prévenir et limiter la propagation des maladies, sans oublier la participation au plan de renaturation. Une équipe renforcée lorsque c’est nécessaire par une entreprise externe, qui répond à la norme qualipaysage E142, spécifique au soin et à l'entretien des arbres. Une norme rigoureuse qui ne peut être obtenue que si les salariés sont diplômés en taille et soin des arbres, cumulent des heures de formations spécifiques et possèdent une certaine ancienneté. Enfin, un cabinet spécialisé en matière arboricole apporte ponctuellement son expertise lors des projets de végétalisation entrepris. Pour que les nouveaux arbres vincennois y vivent heureux et… vieux ! 

le budget des espaces verts

À la découverte des arbres remarquables de Vincennes 

Quelle est la plus ancienne famille d'arbres connue ? Le Ginkgo Biloba ou arbre aux quarante écus, apparu il y a plus de 270 millions d'années ! Voici l’une des informations passionnantes contenues dans les fiches des arbres remarquables vincennois. Au pied d’une quinzaine d’entre eux, vous découvrirez un panneau d’identification incluant un QR code. Armé de votre smartphone, celui-ci vous permettra d’accéder à des informations sur leur origine, leur histoire, leur culture… et même pour certains l’occasion de leur plantation à Vincennes. Ainsi du chêne rouge de la place Pierre-Sémard, planté en 1989 pour le Bicentenaire de la Révolution française, ou du tilleul de la place de l’Église, qui rend hommage à notre ville jumelle belge, Montigny-le-Tilleul.

Info ou intox

Les arbres meurent à Vincennes faute d’être arrosés. FAUX Un arrosage régulier  est pratiqué sur les arbres de moins de 3 ans, à des volumes et des fréquences qui varient  et sont ajustés suivant l’âge de l’arbre. Un rythme qui est ajusté afin parallèlement de forcer  les racines à chercher l'eau  en profondeur, afin d'assurer  un bon ancrage de l'arbre.

On bétonne de plus en plus les pieds d’arbre. FAUX La Ville veille à désimperméabiliser les pieds d’arbres, pour la plupart protégés par des grilles dont les formes sont individualisées en fonction de la forme du tronc. Sur certains sujets, on trouve encore des pieds d’arbre recouverts de résine ; ce matériau, au départ perméable, n’est plus utilisé depuis plusieurs années et a vocation à disparaître. Par ailleurs, dans certaines rues, il vous est possible de demander un permis pour fleurir les pieds des arbres.

Formulaire et renseignements ici

Il est inutile de tailler les arbres. VRAI, mais… À l’état naturel en tout cas : en ville, il peut être nécessaire de limiter leur taille en raison des bâtiments adjacents. Les grosses tailles doivent avoir lieu en automne et en hiver mais il existe cependant des situations particulières comme celle des arbres « taillés en rideau », héritées de choix anciens sur certaines voies départementales ou communales, liés notamment à des questions de gabarit. Elles doivent être maintenues là où elles sont pratiquées de longue date sur les mêmes arbres au risque sinon de les "déstabiliser". Ces élagages spécifiques sont toujours effectués sur des arbres en végétation (taille en vert) durant l'été et avant l'aoûtement (le durcissement du bois) : cela permet à l'arbre de former un bourrelet cicatriciel qui le protège des agressions extérieures telles que champignons, bactéries et insectes. Ce système de défense de l'arbre ne peut pas se mettre en place en hiver lorsque l'arbre est en repos végétatif. L'arbre possède ainsi le délai suffisant pour cicatriser avant les automnes humides et les froids hivernaux. L'enlèvement du bois mort ne pourra également être repéré qu'en période de végétation et non lorsque l'arbre est au repos. Ce type de taille en vert n'est que légère pour perturber le moins possible l’arbre et la faune, et toujours après le 15 août.

Le saviez-vous ?

Si un arbre est abattu, c’est qu’il y a une raison impérieuse. Il est mort, il est malade et ne peut être soigné, ou il présente un danger immédiat pour le réseau de gaz ou pour les passants : la collectivité est responsable et doit prévenir tout risque d'accident ou encore le risque de contamination. Une étude approfondie est toujours menée pour tenter d’éviter l’abattage. À noter, une Charte de l’arbre lors des chantiers sur le domaine public est en cours d’élaboration, ainsi qu’un barème de sanctions afin de pouvoir verbaliser les entreprises ou concessionnaires qui les abîmeraient.

Un arbre apparemment mort ou un tronc doit parfois rester en place. En effet, il arrive que le service des espaces verts attende un ou deux ans pour donner une chance à l’arbre de repartir. Par ailleurs, avant d’enlever un tronc, il faut parfois attendre qu’il soit totalement dévitalisé  afin d’éviter un risque d'arrachage de canalisation. Enfin, si un trou demeure inoccupé, c’est parce qu’il faut attendre la saison optimale de plantation, entre novembre et mars.

Les arbres récemment plantés sont tout petits, et c’est normal ! Au-delà de 25 cm de circonférence, les arbres risquent de ne pas prendre racine. Déplacer un arbre est complexe, et plus il est petit, plus il a de chances de s’enraciner et pousser correctement.

Les arbres ne semblent pas grandir, ils font pourtant leur maximum !  En ville, les arbres poussent moins haut et moins vite qu’en forêt, malgré tous les soins apportés. Rappelons aussi, zéro phyto oblige, qu’aucun apport de produits phytosanitaires n’est effectué par la Ville depuis 2007.

L’arbre qui a remplacé le sujet abattu est différent.  C’est parfois une nécessité ! En effet, les espèces plantées aujourd’hui sont choisies pour mieux s’adapter à la vie en ville (espace en sous-sol et agressions multiples) ainsi qu’au dérèglement climatique.

Le nouveau PLU : une feuille de route verte

Le PLU ou Plan Local d’Urbanisme, regroupe les documents qui encadrent le développement urbain d’une commune. Adoptée le 5 juillet dernier, la dernière mouture du PLU vincennois inscrit la protection du végétal et son développement dans les règles d’aménagement du territoire. Ce document est opposable à toute personne publique ou privée qui souhaite lancer un nouveau projet de construction, réhabiliter ou modifier un bâtiment existant. Autre-ment dit, les règles qu’il contient sont particulièrement importantes. Les nouveautés de ce PLU ?

  • Il intègre le recensement précis du patrimoine arboré privé et public à protéger en priorité du fait de leur intérêt (comme îlot de fraîcheur, pour le paysage, en tant qu’arbre remarquable…). Par exemple, les quatre érables et quatre tilleuls au cœur d’un îlot densément bâti rue Massue, qui apportent de la fraîcheur ou le très beau hêtre multi-troncs peu taillé promis à grandir encore durant de longues années au 10, rue Charles-Pathé. 
  • Il rappelle les règles d'abattage : risque attesté pour la sécurité des personnes et des biens, ou lorsqu'une expertise phytosanitaire démontre un mauvais état de l’arbre.
  • Il assure un traitement qualitatif des espaces aux abords de l’espace public (végétalisation des délimitations des parcelles et protection des jardins sur rue) et des règles aux abords des arbres : ainsi « aucune construction ne peut être implantée à moins de 3 m du collet d’un arbre remarquable ».
  • Il fixe un format minimal des espaces de plantation, pour le bon développement des arbres.
  • Il impose un taux de végétalisation et de pleine terre en ville.
  • Il rappelle l’importance de favoriser l’infiltration à même la terre des eaux pluviales ou leur stockage pour limiter les rejets dans le réseau, lutter contre les îlots de chaleur et limiter la consommation d’eau.