Quand les aphasiques de Vincennes réinventent l’appel d’urgence

Le 114, numéro national d’appel d’urgence pour les personnes ayant des difficultés à téléphoner, traite les appels de santé (15), pompiers (18), police et gendarmerie (17) de tout le territoire français. Basé à l’hôpital de Grenoble, le centre 114 se coordonne avec les services d’urgence proches de l’endroit où l’appel est passé afin qu’ils puissent intervenir. Initialement conçu pour les personnes sourdes et malentendantes, il s’ouvre désormais aux personnes aphasiques, grâce à une collaboration entre divers groupes de patients membres de la Fédération nationale des aphasiques de France (FNAF), dont le Groupe des Aphasiques de Vincennes. Les personnes aphasiques, souvent victimes d’AVC ou de maladies neurodégénératives, présentent des difficultés à parler et à écrire, bien que leur compréhension soit relativement préservée. En partant de ce constat, le projet a cherché à mettre en place un système leur permettant de signaler le lieu et la nature d’une urgence (blessure, incendie, agression…) grâce à un système multimodal utilisant la voix, le texte, les gestes, la vidéo mais également des croquis ou des images.

L’apport décisif du groupe de Vincennes

Le groupe de Vincennes a été un acteur clé dans les expérimentations visant à rendre le service 114 accessible aux personnes ayant des troubles du langage. Aux côtés de membres – comme Mme Lespagnol, dont le mari est aphasique, et Gilbert Bailly, lui-même aphasique –, André Reyssier, aidant familial, membre du groupe national de recherches, et sa défunte épouse ont participé à des simulations d’appel d’urgence. Ces essais avaient pour but de tester la capacité des personnes atteintes d’aphasie à utiliser les outils visuels mis à disposition, comme les croquis. Les premiers tests se sont déroulés à Vincennes, mais le projet a rapidement pris une ampleur nationale, avec des essais dans une dizaine de villes françaises.

Une première mondiale

« Le travail méthodique et patient de ce groupe a permis d’améliorer le système et de le rendre plus efficace, notamment en intégrant la géolocalisation pour faciliter l’intervention des secours. Aujourd’hui, grâce à ces efforts, le 114 est en mesure de traiter des appels d’aphasiques et de transmettre des informations précises aux services de secours », explique Sophie Dalle Nazebi, membre du conseil scientifique FNAF. Le Groupe des Aphasiques de Vincennes n’a pas seulement contribué à améliorer la vie de ses membres, mais a également ouvert la voie à une avancée majeure dans l’accessibilité des services d’urgence en France. Disponible sur téléphone, tablette et ordinateur, le développement de ce système est une étape décisive dans l’inclusion des personnes aphasiques dans la société et représente une première au niveau mondial. La banque d’images constituée s’impose comme une forme de langage alternatif à part entière. Le 114 s’en empare pour d’autres publics comme les personnes sourdes étrangères qui pratiquent une autre langue des signes que celle pratiquée en France.