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Publié le 4 mars 2025

Polluants éternels dans l’eau du robinet : qu’en est-il à Vincennes ?

Les PFAS, surnommés « polluants éternels » du fait de leur persistance dans l’environnement et de leur toxicité, ont été détectés dans l’eau du robinet et dans l’eau minérale un peu partout en Europe. À Vincennes, les taux sont bien en deçà des seuils réglementaires.

Détectés par le réseau d’ONG PAN Europe en juillet 2024, les PFAS ont été de nouveau retrouvés dans de nombreuses villes françaises lors d’études menées par l’UFC-Que Choisir et Générations Futures en janvier dernier. « Ces substances quasi indestructibles et toxiques pour certaines d’entre elles ont été détectées dans 29 des 30 prélèvements analysés par les associations, y compris dans de grandes villes comme Paris, Lyon et Bordeaux », expliquent les deux associations. Si les préoccupations concernant ces substances sont réelles (cf. encadré), les taux de PFAS relevés ne dépassent pas les normes françaises (100 ng/l pour la somme des 20 PFAS qui seront surveillés en France dans l’eau dès 2026).

Et dans la très grande famille des PFAS (plus de 4 000 molécules), les relevés des associations pointent notamment l’acide trifluoroacétique, plus connu sous le nom de TFA. Ce PFAS est encore très peu étudié, et ne fait pas partie des 20 surveillés. Issu de la dégradation de certains pesticides et produits réfrigérants, il inquiète car il ne se dégrade pas du tout dans l’environnement. Dans leur étude, l’UFC-Que Choisir et Générations Futures l’ont classé parmi les métabolites (dérivés) de pesticides, réglementés dans les eaux destinées à la consommation humaine avec un seuil de 100 ng/l. Le Haut Conseil de santé publique le classe parmi les PFAS et a émis un avis avant même l’entrée en vigueur d’une surveillance partout en France, s’alignant sur le seuil allemand de 60 000 ng/l. Tout en recommandant de viser 10 000 ng/l.

Et à Vincennes, boire l’eau du robinet coule-t-il toujours de source ? Nous avons posé la question à Sylvie Thibert, spécialiste du sujet au Syndicat des eaux d’Île-de-France (SEDIF). Elle est rassurante quant aux taux vincennois, bien en deçà des taux parisiens et largement en deçà des seuils français. Et fait le point sur les solutions prévues pour parvenir à éliminer ces polluants de nos carafes.

Le point avec Sylvie Thibert, ingénieure qualité de l’eau, gestion des risques sanitaires au SEDIF

 

D’où vient l’eau du robinet vincennoise ?

Nous avons la spécificité de traiter de l’eau qui vient des principaux cours d’eau de la région, donc Seine, Marne et Oise. Celle de la ville de Vincennes vient exclusivement de la Seine, elle est puisée à Choisy-le-Roi. Elle subit des traitements très poussés en usine pour la rendre potable avant d’être acheminée jusqu’au robinet des habitants. L’eau de Vincennes et l’eau de Paris sont différentes car Paris est approvisionnée pour moitié d’eau de surface et pour moitié d’eau souterraine prélevées à 100-150 km à l’amont de Paris, en Seine-et-Marne notamment.

Quels sont les taux de PFAS retrouvés à Vincennes ?

Il n’y a pas encore d’obligation de rechercher les PFAS, mais le SEDIF le fait depuis plus d’une quinzaine d’années. Nous avons donc des données fiables : pour Vincennes, la somme des 20 PFAS réglementés est inférieure aux 100 ng/l qui sont autorisés pour l’eau de boisson. Nous avons donc une eau surveillée et qui respecte la réglementation sur les PFAS, dont les contrôles dans l’eau de boisson seront obligatoires dès 2026.

Surveillez-vous également le TFA ?

Nous avons moins de recul sur le TFA que sur les 20 PFAS surveillés mais nous avons déjà réalisé 3 campagnes de test en 2024. Nous avons retrouvé des valeurs de 1 000 à 3 000 ng/l. Donc très loin des 6 200 ng/l retrouvés à Paris 10e, taux lui-même loin des 10 000 ng/l recommandés par le Haut Conseil de santé publique.

Existe-t-il des solutions pour éliminer le TFA de l’eau ?

Pour l’instant, les filières existantes à Choisy-le-Roi ne sont pas très performantes pour retenir le TFA, qui est une petite molécule. En revanche, la filière de traitement membranaire par nanofiltration de l’usine de Méry-sur-Oise montre un abattement d’environ 60 %. Aussi le SEDIF va implanter cette étape d’affinage membranaire sur toutes ses usines. À l’usine de Choisy-le-Roi, pour l’eau vincennoise, nous aurons dès 2032 une combinaison de membranes de nanofiltration et de membranes d’osmose inverse basse pression, ces dernières retenant les TFA à 95 %.

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Les PFAS, qu'est-ce que c'est ?

Les PFAS, ou substances per– et polyfluoroalkylées, rassemblent 4 000 à 10 000 substances. Leur utilité ? De nombreuses applications industrielles depuis les années 1950, notamment dans les textiles, les emballages alimentaires, gaz réfrigérants, revêtements antiadhésifs, cosmétiques ou encore produits phytopharmaceutiques. Problème : ces molécules sont extrêmement persistantes. C’est bien simple, certains PFAS ne se dégradent… jamais ! Par exemple, le PFOS (sulfonate de perfluorooctane) et le PFOA (acide perfluorooctanoïque), désormais interdits, sont toujours mesurés dans l’environnement. Selon l’Anses (agence de sécurité sanitaire), on retrouve désormais ces molécules dans les produits de la mer, les oeufs, les viandes, mais aussi l’air l’intérieur et extérieur, les poussières et les sols contaminés. Et, en toute logique, l’eau de surface et donc l’eau de boisson.

Quid de leur effet sur l’homme ? « Les travaux scientifiques sur certains PFAS montrent qu’ils peuvent avoir des effets sur l’augmentation du taux de cholestérol, les cancers, la fertilité et le développement du foetus, le foie, les reins, etc. Ils sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire », précise l’Anses. En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’homme » (groupe 1) et le PFOS comme « peut-être cancérogène pour l’homme » (groupe 2B).

La suite ? L’Anses promet les résultats d’un bilan global sur les contaminations des eaux, aliments, air et poussières intérieures pour fin 2025. D’ici 2026 seront aussi publiés les résultats de la campagne exploratoire des eaux de boissons lancée au printemps 2024 ainsi que ceux de l’étude de 20 PFAS dans l’alimentation.

Faut-il préférer l'eau en bouteille ? 

Côté PFAS, l’eau en bouteille est loin d’être une garantie. Si elle est dite « minérale », elle est puisée à la source. Cependant, Générations Futures a retrouvé le TFA dans 12 des 19 eaux minérales analysées, confirmant des tests du réseau Pesticide Action Network. Le TFA a donc contaminé également les eaux souterraines. Par ailleurs, à la différence de l’eau du robinet, les eaux embouteillées contiennent des micro – et nano-plastiques issus de la dégradation des bouteilles, notamment lorsqu’elles sont stockées de façon prolongée, et de leur traitement. Leur empreinte environnementale est massive du fait de leur production et leur transport : selon l’Ademe, l’eau du robinet est 2 000 fois moins émettrice de CO2 que l’eau en bouteille. Sans oublier son prix, 30 centimes en moyenne par litre contre 0,4 centime pour l’eau du robinet. Autant d’arguments qui ne laissent aucun doute sur le choix à opérer : l’eau du robinet reste la meilleure option.