80e anniversaire de la Libération de Vincennes : le récit des événements
Il y a 80 ans, le 26 août 1944, Vincennes était libérée de l'occupant nazi. Récit des journées qui précédèrent cet événement, et hommage aux hommes qui tombèrent pour notre liberté.

Dans le courant de l'été 1944 circulèrent à maintes reprises des nouvelles contradictoires sur le départ de l'Occupant et la Libération de Paris, annoncée à tort presque chaque jour. Les véhicules de l'armée allemande, quittant la capitale, traversaient Vincennes ; tirs de canons, fusillades et explosions retentissaient alentour. Les premières échauffourées eurent lieu le 19 août au commissariat, alors à l'angle de la rue Lejemptel et de l'avenue du Château. Une demi-heure durant, des combats opposant gardiens de la Paix et Allemands se poursuivirent avenue du Château, avenue de Paris et rue Lejemptel. Dans le 12e arrondissement, un commissaire divisionnaire de Paris, Charles Silvestri, ainsi que 15 autres personnes furent arrêtés et emmenés au Château, où ils rejoignirent quatre civils déjà prisonniers. Le lendemain 20 août, les événements devaient se précipiter.
20 août 1944
Des unités SS, provenant des divisons de tankistes « Adolf Hitler » et « Das Reich » (ayant participé aux massacres d’Oradour-sur-Glane), furent détachées au Château. Là onze prisonniers, à peine sortis des camions qui les y avaient amenés, furent fusillés dans la cour. Les vingt captifs de la veille durent transporter les cadavres effroyablement meurtris. Certains furent obligés de creuser une fosse commune dans laquelle ils ensevelirent sommairement les corps, tandis que d’autres lavèrent le sang répandu dans l’escalier d’accès au fossé est. Après une longue séance d’humiliations, de coups et d’insultes, Charles Silvestri fut fusillé. Quelques heures plus tard, ce fut le tour de trois personnes interpelées, puis de onze autres, au bord de l’excavation creusée dans les fossés. Il y eut, ce jour-là, vingt-six exécutions. Hormis Charles Silvestri, les prisonniers du 19 août avaient finalement été épargnés.
21 août 1944
Dans la nuit du 21 août 1944, de nombreux combats entre SS et FFI se déroulèrent dans les rues de Vincennes. Maurice Barthélemy fut abattu à bout portant devant la crémerie La Ferme Sainte-Suzanne, à l’angle des rues du Midi et Raymond-du-Temple. Une plaque lui rend hommage à cette adresse.

Barricade à Vincennes avenue de Paris - coll Archives municipales de Vincennes
22 août 1944
Le 22 août 1944, onze résistants, dont sept employés du Métropolitain, furent fusillés par les Allemands au sud du Fort-Neuf de Vincennes.
Le capitaine Abel Roure, chef de la Résistance à Vincennes, dont la formation avait été rattachée au groupement régimentaire des FFI, fut capturé avec cinq de ses compagnons et conduit au Vieux-Fort.

Char Panther allemand abandonné cours des Maréchaux - coll Archives municipales de Vincennes
23 août 1944
Toute la nuit, la canon gronde, de fortes déflagrations se font entendre : ce sont les dépôts de munitions des environs qui explosent. On se bat toujours dans l'Est de Paris, cours de Vincennes et place de la Nation. Le Fort-Neuf et le Chateau sont mis en état de défense par les Allemands qui tirent sur les passants.
24 août 1944
Le 24 août, une employée de Kodak-Pathé, parlant allemand, fut envoyée en émissaire au château par les FFI, pour obtenir la libération du capitaine Roure et de ses hommes, mais sans résultat. Léon Bonvoisin, le Maire de Vincennes, s’y rendit à son tour pour obtenir leur délivrance ainsi que celle de 97 prisonniers de guerre africains. La radio annonça la libération de Paris, mais Vincennes était toujours occupée. A 20 heures, les Allemands quittèrent finalement le château, non sans y avoir placé de grandes quantités d’explosifs. Quelques minutes plus tard, plusieurs explosions ébranlèrent le monument. Un incendie se déclara et dura toute la nuit. Les prisonniers africains avaient pu quitter les lieux peu de temps auparavant. Cette explosion marqua la retraite des derniers représentants de l’armée allemande, abandonnant la ville. Dans la soirée, le chanoine Amy fit sonner les cloches de Notre-Dame, et les 97 soldats africains sont accueillis par la foule en liesse. Pour autant, la guerre n’était pas terminée. Toute la nuit, des combats se poursuivirent dans le Bois.

Le Château en ruines après le départ des Allemands - coll Archives municipales de Vincennes
25 août 1944
A 11 h, le maire reçut l'assurance qu'il n'y avait plus d'Allemands ni au Fort Neuf ni au Château. Le 25 août 1944 à midi, les soldats de l’armée Leclerc arrivèrent de Paris par la rue de Fontenay. La municipalité et les membres du conseil municipal vinrent à leur rencontre. Les soldats n’étaient que de passage et poursuivirent leur progression en direction de Nogent. Les troupes américaines allaient bientôt arriver.

Véhicule militaire américain - coll Archives municipales de Vincennes
Sur l’avenue de Paris, une automitrailleuse allemande s’élançant en direction de Paris força la barricade dressée au niveau du cours Marigny, tuant au passage le FFI Henri Liger. Le véhicule poursuivit sa route. Ses occupants l’abandonnèrent après avoir tué un lieutenant des troupes de Leclerc, place de la Tourelle. Ils se réfugièrent dans un immeuble de la rue Céline-Robert, où quatre Français et les six Allemands laissèrent leur vie. Le même jour, le jeune Vincennois Gilbert Clerfayt fut tué au Raincy.
Rue du Midi, des femmes sont tondues sur l'auvent d'un commerçant. Les collaborateurs son soumis à la vindicte populaire devant le commissariat.
26 août 1944 : Jour de la Libération de Vincennes
Léon Bonvoisin annonça enfin la libération de Vincennes sur le perron de l’hôtel de ville. L’assistance, nombreuse, entonna la Marseillaise qui s’acheva sous les applaudissements. L’annonce des exécutions du 20 août avait suscité une vive émotion dans la population vincennoise.

Léon Bonvoisin, annonce la Libération de Vincennes sur le perron de l'hôtel de Ville - coll Archives municipales de Vincennes
Le 26 août, près de 5 000 personnes, Léon Bonvoisin en tête, se rendirent en cortège sur la sépulture provisoire des 26 fusillés du château.
27 août 1944
La rumeur court que l'armée allemande reviendrait en force. Les populations de communes avoisinantes se réfugient à Vincennes, et les FFI de Fontenay, Montreuil, Rosny se retrouvent à l'hôtel de ville de Vincennes. Des Vincennois quittent leur domicile pour Paris.
Deux bombes tombent sur la ville, l'une rue Massue, l'autre avenue Félix-Faure ; il n'y a que des dégâts matériels. Le calme revient ensuite et les populations regagnent leur domicile.
Les membres de la Croix-Rouge procèdent à l'exhumation et l'identification des corps des 26 fusillés du 20 août.

Les membres de la Croix-Rouge procèdent à l'exhumation et l'identification des corps des 26 fusillés du 20 août 1944 - AFP
29 août 1944
Une délégation municipale provisoire, issue des partis politique affiliés à la Résistance, est mise en place, présidée par Georges Lamouret.
30 août 1944
Des obsèques solennelles des 26 victimes des SS ont lieu. Les cercueils furent exposés sur l’esplanade de l’hôtel de ville, avant d’être inhumés au cimetière nouveau. Le 1er novembre 1944, une cérémonie en leur mémoire se déroula à la Sainte-Chapelle, en présence du Général de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire.

30 août 1944 - Obsèques solennelles des 26 fusillés du château - coll Archives municipales de Vincennes