Mai 2024

Que sont nos bancs devenus ? 

Le plan de ré-aménagement du mail du 8 mai 45, exposé à l’entrée, prévoit l’installation de sièges individuels et non plus de bancs. Pour l’instant d’ailleurs, ne sont plus ni les uns ni les autres.

Ce n’est pas la même chose d’être sur une chaise ou sur un banc. Celui-ci favorise l’échange et les rencontres, les jeunes, les parents de tout jeunes enfants, les personnes âgées apprécient de se rencontrer et de discuter à l’extérieur.

Le banc public invite à « l’immobilité gratuite » [Marie Loison-Leruste, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Sorbonne-Paris-Nord], instant d’humanité et de convivialité, pause bienvenue dans nos déambulations urbaines.

Le banc public cristallise aussi toutes les problématiques liées nuisances provoquées par les rassemblements indésirables parce que trop joyeux ou insuffisamment policés.

Les nouvelles assises des sièges individuels sont donc volontairement assez inconfortables pour éviter d’avoir à les utiliser… Les rues sont alors exclusivement réservées au passage, donc sans vie.

« Il y a derrière ces aménagements urbains une volonté de fluidifier la circulation des passants et de canaliser leurs déplacements » [Marie Loison-Leruste, maîtresse de conférences en sociologie à l’université Sorbonne-Paris-Nord]

Ces sièges individuels que l’on rencontre de plus en plus souvent appartiennent à la catégorie du « mobilier urbain hostile » [source], dispositif de « prévention situationnelle » [Doctrine développée aux États-Unis dans les années 1950 par l’architecte et urbaniste Oscar Newman, qui repose sur l’idée que la conception architecturale et environnementale joue un rôle crucial dans l’augmentation ou la réduction de la criminalité et dans la prévention de la délinquance]

L’idée est que les aménagements urbains doivent générer une « sécurité passive » :  dissuader tout stationnement prolongé.

Il est aussi prévu de « sécuriser le passage grâce à l’installation de portails fermés aux mêmes horaires que les autres jardins publics vincennois » même s’il semble abusif de parler ici de « jardin public ».

Le passage de ce mail sera donc, dorénavant, intermittent.

Finalement, à Vincennes, sous prétexte de sécurité, il est étrange de fermer, la nuit, une voie de circulation douce… alors qu’on laisse ouvertes à la circulation les rues pour les voitures…

« (…)quand l’espace public est aménagé pour écarter les populations indésirables, il finit par écarter les populations tout court.(…)ce ne sont pas seulement les humains qui sont maltraités par ces aménagements malvenus, c’est l’espace public lui-même. »

 « Un espace public bienveillant pour les plus faibles est bon pour toute la population. C'est une affaire de morale ou de conviction, certes, mais aussi de méthode. (…) [Lire la ville. Manuel pour une hospitalité de l'espace public, l'architecte et urbaniste Chantal Deckmyn. En 1997, elle a fondé Lire la ville, un atelier urbain fondé sur le récit des lieux par ceux qui les pratiquent.]

 

Chantal BALAGNA-RANIN conseillère municipale - Vincennes à gauche, pour un front citoyen, écologiste et solidaire - cbalagnaranin@vincennes.fr