Je n’arriverai pas jusqu’au bout de la foule Pour te réinventer multiple Dans l’absolu d’une chambre noire Sachant que c’est toi

Perdue dans un trou de mémoire, qui t’endormais en ta faillite Encore toi-même qui oubliais ton arrogante beauté de veille Un rêve peut-être Un rêve mauvais s’est posé sur ta tête Et t’a enlevé plus que de raison un tiers de ta saison Un été entier de tout ton être qui sait retenir notre lit tiède Jusqu’au solstice

Un rêve plongé à pic Comme un oiseau noir qui boit de l’arbre La verticale sève qui la fonde Et toute la bonne augure des feuilles vertes. Quand donc Gisemonde T’endormiras-tu pour te retrouver ? Corbeau matinal Perché sur l’arbre de ta connaissance L’arbre de ton bien Et de ton mal J’existe dans l’éparpillement De l’unité de tes contraires Des quatre vents de tes cheveux Et de la verte raison jaillissant au tronc de la mémoire Y a-t-il des mots d’amour Des lèvres qui vaillent à des distances inégales Qui ne s’étanchent pas Qui ne se mouillent pas Sans mot dire dans le baiser Si la rue en sa quête de grains Envoie ses oiseaux s’enquérir sur tes seins Fais donc appel au grand vent Pour mettre en mouvement la poussière Qui dessinera ton jupon au passage Jurant son vol plané sur le temps suspendu de l’attente Et ta salive mon eau de bouche Quelle embouchure Mienne autrement A bu ta vie comme un champagne Mais qu’importe l’arbre Si le fruit des baisers tombent d’eux -mêmes des lèvres mûres J’ai dormi avec toi Je me vois me lever chez l’étrangère Iras-tu renaître ailleurs Pour m’inventer ici et la Soit en transit soit en visite touristique sur ton corps Il te laisse à t’avouer coupable au pied du lit À changer entre deux eaux de larmes et d’imposture Tu ne te lèves pas du même pied tous les jours Si je t’aimais en peu de mots C’est que bègues s’ouvrent mes lèvres Au rendez-vous d’un baiser manqué Et que les mots en sortent Évidés dans un tremblement vide de papiers En quête d’un strict nécessaire D’une juste larme en ta gorge Devrait-on se morfondre et se briser dans un miroir Pour voir nos corps réédités En des pauses exemplaires Photogéniques par milliers Il te reste à te savoir autre que tu es Tu auras gagné ma sympathique pitié diurne À passer pour une femme, qui vidée maintenant de sa substance de belle Gagne à tourner pour toujours les talons aux vieux mensonges La vérité n’est pas l’auberge de la Joconde Un coeur soumis sur une ligne brisée L’univers mis en tiroir dans une étoile Tu dois te savoir autre que tu es T’affirmer en connaissance de cause et de miroirs Je me réchaufferai de ta lueur D’étoile éteinte qui scintille En me cillant les yeux Comme la diva qui ne voit pas le temps passer Avec son lot d’amants d’une heure Jusqu’au bout de la foule

Je n’arriverai pas N’arriverai pas Tu ne te lèves pas du même pied tous les jours

James Noël

 

* illustration : Elle , de Pascale Monnin. . pièce présentée lors de l’exposition Femme en mythologie(s) , mythologie de femme(s), dans le cadre du festival Vibrations Caraïbes au musée du Montparnasse, à Paris en novembre 2010. Pascale Monnin est co-auteur avec James Noël de La Fleur de Guernica (éd. Vents d’Ailleurs, 2010).